mercredi 26 janvier 2011

À propos de la dictature marocaine.

Patrick Lagacé parle de la dictature marocaine ce matin dans La Presse. Il a raison, le régime marocain est encore un régime autoritaire. Mais il a tort lorsqu'il assimile ce régime aux autres dictatures de la région. D'abord parce que le Maroc est en réel processus de libéralisation. Pas une réelle démocratisation, mais une libéralisation.

Depuis la fin du régime de Hassan II, le père de l'actuel Roi Mohammed VI, le régime a procédé à une reconnaissance de ses propres dérives en créant la Commission Vérité et Réconciliation. C'est une expérience unique de réhabilitation des anciens dissidents, un processus de réparation des crimes commis à l'intérieur d'un même régime. (L'expérience sud-africaine est différente puisqu'elle a été mise en place lors d'un changement de régime...).

Le Maroc a donc procédé à une autocritique et celle-ci se poursuit. Bien sûr, les réflexes autoritaires du régime demeurent : emprisonnements et poursuites dissuasives contre des médias accusés de porter atteinte à la personne du Roi ou à l'unité du pays, impunité relative des autorités qui commettent des abus de pouvoir, etc. Mais il reste que la diversité de la presse existe, que des médias comme Maroc Hebdo, Nichane (et Tel Quel) en plus de tous les journaux affiliés aux nombreux partis politiques (plus de 30 !) continuent de repousser les frontières de l'autoritarisme et les tabous qui existent encore...

Donc, au-delà de l'autoritarisme du régime qui persiste mais qui se desserre, ce qui guette le Maroc et menace encore plus son processus de démocratisation, c'est une forme d'auto-censure intégrée de la part de la population et de ses élites, auto-censure qui s'explique sans doute par l'expérience historique d'un régime de fer (on a parlé des années de plomb pour décrire la dictature de Hassan II) et la persistance d'une culture politique de déférence à l'égard de l'Autorité de Sa Majesté le Roi (figure religieuse et politique).

La devise du Maroc est : «Dieu, la patrie, le Roi». Ces trois sujets sont tabous au pays, ils ne peuvent être abordés qu'avec des pincettes. Mais ces tabous sont de plus en plus repoussés par divers acteurs politiques, médiatiques et sociaux. On discute même dans certains milieux (surtout à gauche), de la nécessité de distinguer davantage la fonction religieuse du Roi de sa fonction politique. Le Parti du Progrès et du socialisme (PPS), qui participe au gouvernement en détenant plusieurs ministères, propose à cet effet une réforme constitutionnelle qui diminuerait les prérogatives du Roi au profit du Parlement et du gouvernement...


Et pour avoir rencontré la Ministre de la famille et de la solidarité sociale, Nouzha Skalli, je peux vous dire qu'une femme d'une si grande qualité ne ferait pas partie d'un gouvernement si celui-ci n'était que despotique et fermé aux aspirations de sa population. Mme Skalli, ex-militante communiste et féministe de la première heure, demeure convaincue du rôle positif que joue le Roi pour son pays actuellement. Bien sûr, elle trouve que les choses ne vont pas assez vite, que des compromis parfois frustrants doivent être faits avec les autres courants politiques présents au pays, mais elle préfère agir de l'intérieur et croit que son action fait réellement la différence.

Après l'avoir rencontré lors de mes deux derniers voyages au Maroc, j'en suis aussi convaincu.

5 commentaires:

  1. Je crois que M. Lagacé marque un point. Ce qu'il cherche à démontrer existe véritablement. L'Occident traite mieux certains pays autoritaires à l'importance stratégique relevée et sermonne publiquement des dictatures moins importantes pour eux. Il est important de mentionner que nos diplomates préfèreraient dialoguer avec des démocrates, mais ils font des choix douteux.
    M. Lagacé est toutefois plutôt maladroit de choisir un pays qui avance dans la bonne direction et qui participe réellement à la stabilité régionale. Il mentionne de nombreux pays dans son article. Il aurait pu s'arrêter sur le cas de l'Arabie Saoudite, bien plus évident et moins partant pour changer. Je ne doute pas que son article aurait été bonifié.
    Philippe

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  2. je sais que ce n'est pas le rôle du blogueur Le Voisin d'aller sur la place publique mais- dans ce cas-ci- j'aimerais que tu répondes à Lagacé et- si tu ne veux pas signer ton texte- tu peux utiliser mon nom...ah ah
    pepedamour

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  3. Une vraie révolution, une vraie libération. Je tiens à remercier monsieur Bush pour avoir débuter ce grand processus de démocratisation du Moyene-Orient et de l'Afrique du Nord:

    http://www.youtube.com/watch?v=wss_urnuB7o

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