Presque tous les chroniqueurs politiques s'évertuent à discourir ces jours-ci à propos d'une union des partis d'opposition sur la scène politique canadienne. Chantal Hébert en a même fait le cœur de son analyse dans son livre French Kiss : si le PLC et le NPD ne s'unissent pas, les conservateurs de Harper deviendront progressivement mais sûrement «the natural governing party of Canada».
Il est en effet prévisible que la division de l'opposition devienne la principale force des conservateurs de Harper, comme ce fût le cas pour la domination outrancière des libéraux sous Jean Chrétien... Après tout, 60% de l'électorat canadien a voté pour un autre parti que les conservateurs le 2 mai dernier, mais ceux-ci forment un gouvernement majoritaire face à une opposition éclatée et sans chefs.
L'ascension fulgurante du NPD de Jack Layton (particulièrement au Québec) en 2011 et la déconfiture libérale depuis le scandale des commandites, puis sous S. Dion comme sous Ignatieff, fait dire à plusieurs que le pragmatisme doit dominer et inciter ces deux partis à fusionner pour incarner une réelle alternative aux conservateurs.
Les partisans de cette union de la «gauche» semblent dire que le NPD et les libéraux partagent beaucoup plus de valeurs qu'ils ne le croient et que de toute façon, ce sont les conservateurs qui véhiculent un projet politique à l'opposé de la majorité des Canadiens...
Je tiens à souligner deux problèmes posés par ce type d'analyse :
1- La culture politique des deux partis est foncièrement différente. Alors que le NPD demeure un parti axé sur un programme de centre-gauche et un idéal social-démocrate, le PLC est un parti de pouvoir. Son positionnement sur l'échiquier idéologique dépend de ses perspectives électorales. Si le PLC pense gagner ses élections avec un type de discours, il adoptera ce discours. Même chose pour le choix du chef (avec l'exception notable de l'élection de Stéphane Dion en 2008). De son côté, le NPD demeure un «parti idéologique» et dans plusieurs régions du pays, les libéraux y sont perçus comme des adversaires de droite et non des cousins de gauche...
2- Bien que le PLC soit un parti de pouvoir, il demeure dans un domaine, celui de l'unité nationale, un parti défendant une orthodoxie, voire une doctrine : le trudeauisme. Or, voilà que le discours d'ouverture à l'égard du Québec qui a émergé au sein du NPD de Layton serait menacé par une fusion des partis à gauche des conservateurs de Harper.
Il serait dommage que le travail patient mais cohérent de Jack Layton à propos de ce qu'il appelait «les conditions gagnantes du Canada pour le Québec» soit mis à mal par la force centrifuge de l'orthodoxie trudeauiste qui suggère l'attitude du «being hard on Quebec» et promet un Canada one nation dans lequel toutes les provinces sont traitées de la même manière.
Le NPD de Layton offrait un espace politique prometteur pour les partisans d'un autre beau risque (j'en suis). Toutes perspectives de fusion avec le PLC brisera cette ouverture...
maudite belle étude de la situation.
RépondreSupprimerAvoir ton talent, j'enseignerais en sc. po.
yg