mercredi 5 octobre 2011

Notre histoire prend le bord!

La coalition pour l'histoire rendait public la semaine dernière une étude qui confirme que l'histoire du Québec est de plus en plus délaissée dans les milieux académiques.

Cela se confirme au collégial, où les cours dédiés à la réalité québécoise et canadienne sont de moins en moins nombreux. Et cela se concrétise à l'université, où les recherches dans ce domaine obtiennent de moins en moins de fonds, où les spécialistes aptes à encadrer de telles recherches se font rares et où les étudiants ne semblent intéressés qu'à un ailleurs perçu comme plus intéressant que notre expérience historique qui serait «plate» ou pire encore méprisable...

Ces données sur le désintérêt marqué à l'égard de notre histoire sont tristes et inquiétantes à la fois. Elles s'expliquent toutefois par le fait que notre réforme scolaire ait décidé de refonder nos cours d'histoire en évacuant «la dimension conflictuelle» et en cherchant à arrimer notre Grand récit historique à des préoccupations contemporaines. Mais même avant la réforme scolaire qui a fait que nos profs d'histoire au secondaire passent le plus clair de leur temps à «apprendre à enseigner» sans maîtriser suffisamment le contenu de la matière qu'ils enseigneront, on peut dire que nos cours d'histoire ne réussissaient pas à faire ressortir ce qu'il y a d'universel et d'extraordinaire dans notre propre expérience historique.

Deux exemples à cet effet :
- Notre nation a largement contribué à découvrir le continent nord-américain. Ce sont nos coureurs des bois et nos marchands de fourrures qui ont développé le plus de liens avec les nations amérindiennes, devenant traducteurs et intermédiaires pour les grandes expéditions vers l'ouest de la fin du 18e siècle et du début du 19e siècle. À ce titre, des personnages plus grands que nature comme Toussaint Charbonneau mériteraient d'être abordés dans nos cours d'histoire. Nous sommes en Amérique du Nord et le mythe d'un continent «vierge» où tout reste à faire a largement été construit par les nôtres - des Canadiens-français «ouverts sur le monde» bien avant que l'expression devienne une sorte d'idéologie... De plus, ces mêmes coureurs des bois et explorateurs avaient une vie bien éloignée du portrait d'une société conservatrice et refermée sur elle-même que l'on aime bien brosser sans doute pour magnifier la grande période de la révolution tranquille.

- Autre exemple: le mouvement des Patriotes. Ces intellectuels qui n'ont pas eu peur de se lancer dans l'action politique ont porté des idéaux républicains et démocratiques à une époque où les nouvelles républiques d'Amérique latine naissaient. Ils ont adopté un discours rassembleur et respectueux des minorités alors que leur peuple était mis en minorité et méprisé par les dirigeants britanniques. Et malgré ce mépris affiché (les résolutions Russell, le rapport Durham), nos patriotes ont d'abord épuisé toutes les options non-violentes avant de recourir dans le désespoir désorganisé à la rébellion armée.

Ces moments forts de notre histoire sont souvent évacués ou abordés en périphérie de notre histoire nationale. Et après, on se demande pourquoi l'intérêt pour l'histoire du Québec s'est estompé au fil du temps. C'est peut-être qu'à force de présenter notre histoire comme une longue période de noirceur d'où la lumière jaillit en 1960, on a alimenté ce mépris pour nous-mêmes qui contribue sans doute à fragiliser notre volonté de perpétuer dans l'avenir notre identité distincte dans ce continent dont nous sommes pourtant les grands découvreurs...

1 commentaire:

  1. Il faut lire à ce sujet le magnifique ouvrage dirigé par Denis Vaugeois, intitulé «La mesure d'un continent».

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