mercredi 23 mars 2011

Remember Tommy Douglas.


Le physicien et auteur Canadien-anglais Vincent Lam vient de publier une biographie de Tommy Douglas... Je me permets d'insister sur ce livre d'abord parce que son auteur fût précédemment primé dans le ROC (rest of Canada), mais surtout parce que Tommy Douglas (ex-1er ministre de la Saskatchewan et 1er chef du NPD fédéral), qui fût proclamé par un méga-sondage de la CBC il y a quelques années «The Greatest Canadian» off all time est aujourd'hui une figure menacée de tomber dans la désuétude ou le folklore...

En effet, les conservateurs de Stephen Harper sont en position de force pour obtenir une majorité parlementaire le 2 mai prochain. Or, le conservatisme de M. Harper est-il vraiment canadien ? On peut se poser la question. Depuis que M. Harper a pris le contrôle de la droite au Canada, il a abandonné l'étiquette «progressiste» (les red Torys comme Joe Clark n'ont plus de véhicule politique) et c'est son courant réformiste, fortement imprégné d'une religiosité, d'une droite morale, sociale et économique qui n'est pas vraiment distincte de celle qui domine le parti républicain américain depuis l'ère Reagan qui a pris sa place...

Que dirait le grand philosophe conservateur canadien George Grant (le Grand oncle de Michael Ignatieff...) de la montée de Harper au Canada ? Je ne peux faire parler les morts, mais Grant s'inquiétait grandement dans son ouvrage-phare, Lament for a nation, publié dans la décennie 1960, de l'érosion de la différence canadienne et de l'américanisation galopante qui l'accompagnait. Il suggérait à cet effet une forme de partenariat avec les Canadiens-français puisque ces deux sociétés avaient selon lui le soucis de préserver leur différence en Amérique. Est-ce encore le cas pour le Canada-anglais ? Je commence à en douter, considérant la montée des conservateurs en Ontario, dans le centre et même au B.C.

(Le Québec, qui est la seule province où les conservateurs ne sont pas en avance ou en position de force, serait-il alors considéré par Grant ou Douglas, comme le dernier défenseur de la différence canadienne ? Méchant paradoxe !)

Revenons à Tommy Douglas, figure mythique du Canada. Son prestige est grand puisqu'il est associé au socialisme démocratique, à l'assurance-maladie publique et aux droits civils, mais toutes ces «valeurs canadiennes» sont de plus en plus flouées ou menacées par le conservatisme dur de M. Harper. Tommy Douglas devient donc d'autant plus une sorte de vernis qui permet aux Canadiens de maintenir leur différence par rapport aux États-Unis à un moment où cette différence est de plus en plus ténue, sinon insignifiante... Le vernis craque !

Nous touchons là à un autre paradoxe, celui évoqué par Alexis de Tocqueville au XIXe siècle : les nations insisteront de plus en plus sur leurs différences dans la modernité car l'ère moderne en est une d'homogénéïsation des cultures et des sociétés...

Revenir à Tommy Douglas par la lecture inciterait peut-être nos voisins canadians à reprendre contact avec un idéal démocratique porteur qui les différenciait vraiment de leurs voisins du sud...

1 commentaire:

  1. Je viens tout juste de lire l'article sur ce livre dans Maclean's. Je pensais sensiblement la même chose, cher Voisin. Je crois que notre génération a beaucoup à apprendre de ce M. Douglas. Une autre preuve que religion ne rime pas toujours avec droite religieuse...
    Philippe

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