mardi 22 juin 2010

Meech : 20 ans après.

Nous commémorons les 20 ans de l'échec de l'Accord du lac Meech cette semaine. Ce 23 juin 1990, plus de 500 000 personnes paradaient dans les rues montréalaises avec un sentiment de fierté blessée puisque le Canada anglais (les Assemblées législatives de Terre-Neuve et du Manitoba) refusait de reconnaître le caractère distinct du Québec au sein de l'ensemble canadien.
Rappel : Après l'échec référendaire de 1980, le 1er ministre Lévesque se lance dans la stratégie du «Beau risque» qui consiste à mettre l'option souverainiste en veilleuse et à formuler les demandes minimales du Québec pour accepter la réforme constitutionnelle de 1982 qui s'est opérée sans l'accord UNANIME du Québec. La loi constitutionnelle de 1982 a en effet diminué les pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec, particulièrement en matière d'éducation et de langue. C'est à partir de la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans cette constitution par Trudeau que les juges de la Cour Suprême du Canada ont invalidé plusieurs dispositions de la loi 101 (et plus récemment de la loi 104) visant à faire du français la langue de travail, de l'affichage commercial, de l'éducation et de l'intégration des immigrants au Québec.

Puisque les Québécois ont dit NON en 1980, mais que la constitution de 1982 a été adoptée sans le consentement du peuple québécois et contre l'avis de tous les partis politiques québécois, Lévesque a proposé à l'époque de formuler quelques demandes au reste du pays pour réintégrer la constitution du Canada. Il y a risque que cela réussise et que l'option souverainiste décline par le fait-même se disait-il, mais c'est une beau risque puisque le Québec verrait alors certaines de ses revendications comblées... L'arrivée de Brian Mulroney comme 1er ministre canadien en 1984 et l'élection de Robert Bourassa en 1985 à Québec allait confirmer ce qui deviendrait le «Quebec round» : c-à-d une ronde de négocation constitutionnelle consacrée aux revendications du Québec. Pusique celui-ci avait été écarté des négos en 1981 lors de «la nuit des longs couteaux», il devenait légitime de se tourner vers le Québec, d'autant plus que l'élection de Mulroney était fondée sur cet objectif de «réconciliation nationale» en réintégrant le Québec dans le giron constitutionnel canadien «dans l'honneur et l'enthousiasme».

La revendication principale de l'Accord du lac Meech introduisait une clause interprétative à la constitution qui disait que «le Québec forme au sein du Canada une société distincte» et qu'il fallait reconnaître que «l'Assemblée nationale du Québec avait le devoir de protéger et promouvoir le fait français au Québec». Si l'Accord avait été adopté, on peut penser que les Juges de la Cour Suprême du Canada auraient pris une décision plus nuancée récemment en ce qui concerne la loi 104 (dossier fort important de la langue d'enseignement pour les francophones et les immigrants). Mais comme l'Accord est mort de sa belle mort, les juges canadians interprètent la constitution à partir du prisme trudeauiste des droits individuels...

Tout le paysage politique canadien et québécois actuel est tributaire de cette époque :
  • Le Bloc québécois a été fondé par un groupe de députés fédéraux déçus de l'échec de Meech;
  • Le Reform party puis l'Alliance canadienne (la frange droitiste dominante du Parti conservateur unifié de M. Harper aujourd'hui) sont nés d'un sentiment de frustration dans l'Ouest associé aux demandes du Québec qui monopolisaient trop l'espace politique du pays à leurs yeux;
  • Sur la scène québécoise, l'Action démocratique est née de l'insatisfaction de certains libéraux de la réponse offerte par Robert Bourassa à l'échec de Meech...
On peut même dire que notre «fatigue politique» actuelle est le reflet de notre double impasse héritière de cette époque. Les fédéralistes québécois ont échoué à renouveler le fédéralisme canadien dans le sens de ses revendications traditionnelles (plus de pouvoirs et d'autonomie pour la province dans l'ordre canadien); et les souverainistes ont échoué à convaincre une majorité de Québécois à choisir le pays. Ce qui a changé depuis, c'est que le poids du Québec au sein du Canada est en déclin et que l'ouverture des Canadiens-anglais à l'égard d'un nouveau «Quebec round» est (presque) nulle...

Pendant ce temps, les générations montantes qualifient souvent ce Grand Débat de ringard et dépassé, et la culture politique héritée de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 fait son oeuvre et rend de plus en plus difficile et impraticable notre simple volonté de faire du français la langue publique commune au Québec. La simple prédominance du français est compromise par le bilinguisme individuel et «coast to coast» de Trudeau. Posez-vous la question : «Qui porte le bilinguisme au Canada ?» La réponse, invariable depuis 1969 dans les rapports du Commissaire aux langues officielles du Canada : c'est dans les portions francophones du pays que le bilinguisme se porte bien... Et le multiculturalisme inhérent à la Charte fait de la culture québécoise une simple composante de la grande mosaïque canadienne...

Le Québec n'est plus une culture d'accueil francophone dans l'espace canadien - c'était en gros l'objectif de Meech -  et la réponse de Jean Charest au jugement invalidant la loi 104 envoie maintenant le message que la langue du succès et des riches au Québec, c'est l'anglais !

Comment réactiver un espace politique prometteur pour le Québec dans ce contexte ? À suivre...

3 commentaires:

  1. Comment réactiver, je l'ignore.
    Qui peut réactiver? La Jeunesse montante.
    Pour ce faire, Il faut la foi.
    Je vis d'espérance.
    yg

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  2. Ah, la jeunesse! Je suis exaspéré par tous ces jeunes qui se désintéressent de la question constitutionnelle. Tout cela n'est absolument pas réglé, contrairement à ce que Jean Charest essaie de nous faire croire...Il faudra que notre génération soit prête à prendre de grosses décisions et à formuler de grands projets. C'est, je crois, le talon d'Achilles de notre "grand peuple".
    Philippe

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  3. Lire Akos Verboczy : http://www.journalmetro.com/blogue/post/865171

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