lundi 7 juin 2010

Jcall et Jstreet : la société civile pour la paix.

Je vous ai entretenu souvent dans ce blogue de la forte proportion d'Israéliens modérés favorables à la solution négociée de deux États : un juif et un palestinien. Grosso modo, j'affirmais que le conflit israélo-arabe était en fait «capturé» par des minorités de blocage : le Hamas du côté des Palestiniens et la droite religieuse et ultra-nationaliste du côté des Israéliens... Il fallait ajouter à cela un blocage externe : celui de l'appui souvent indéfectible des États-Unis à Israël par l'entremise de la droite religieuse et du lobby juif, fortement mobilisés en faveur de l'expansionisme (jeu de mot) israélien...

Or, les choses sont en train de bouger en Europe comme aux États-Unis par le truchement de deux collectifs qualifiés de «pro-israéliens en faveur de la paix» : Jcall en Europe et Jstreet aux États-Unis.

Jcall réunis plusieurs intellectuels juifs européens comme Bernard-Henry Lévy, Alain Finkielkraut et Daniel Cohn-Bendit qui affirment tous qu'être pro-israélien implique une critique saine et lucide de la politique radicale actuellement menée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou.

Jstreet a été formé récemment aux États-Unis (certains disent que l'organisation est issue des milieux pro-Obama) dans la même optique, mais son impact pourrait à terme être plus important puisqu'il fait émerger dans ce pays un mouvement composé de Juifs de plus en plus critiques à l'égard de l'unilatéralisme israélien. Jstreet cherche aussi à contrebalancer le poids souvent jugé démesuré du principal lobby juif américain, l'AIPAC, et ils investissent aujourd'hui le Congrès des USA pour influencer les décideurs en faveur d'une politique américaine plus modérée au Proche-Orient, politique qui déboucherait vers la solution négociée des deux États.

Un des arguments les plus intéressants véhiculés par Jcall et Jstreet relève du danger qui guette la démocratie israélienne si celle-ci continue à coloniser les territoires palestiniens, au mépris du Droit international et des droits humains les plus élémentaires... Ce discours est porteur puisqu'il se revendique d'un sionisme humaniste et démocratique, courant qui était présent et peut-être même dominant lors de la création de l'État hébreux. Les porte-parole de Jcall et Jstreet insistent aussi sur les risques de voir émerger en Israël un pouvoir militaire usurpateur de la démocratie.

Cette éventualité est selon moi déjà enclenchée : la démocratie israélienne est depuis ses débuts fragilisée par le poids important de l'armée - Tsahal - au sein de la société... Ce poids historique s'explique : Israël a été créé dans la guerre et Tsahal est vite devenue garante de son droit à l'existence dans la région. De plus, l'armée israélienne a été conçue comme le «creuset de la nation», c-à-d que c'est au sein de l'armée que les Israéliens et les Israéliennes s'intègrent à la culture nationale. Tsahal est aussi le principal vecteur d'ascension sociale au pays...

Mais la militarisation du pouvoir à laquelle on assiste depuis quelques années est pire puisqu'elle est associée à un projet d'expansion territoriale en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ce qui fait que les Israéliens qui s'établissent dans ces territoires le font au prix d'une occupation militaire toujours plus sanglante et inhumaine...

Pour simplifier, on pourrait dire que Tsahal a été garante du droit à l'existence d'Israël de sa création en 1948 jusqu'aux conquêtes territoriales de 1967. Mais de 1967 à nos jours, l'armée de défense d'Israël s'est mise au service d'un projet de conquête et d'expansion territoriale qui risque à terme de kidnapper la démocratie et de faire émerger un apartheid épouvantable dans les territoires occupés.

Cet appel pour la paix lancé par Jcall et Jstreet résonne déjà au sein de l'électorat juif américain et même pour certains membres du Congrès. Et la population israélienne modérée pourrait à nouveau se mobiliser pour la paix en utilisant les mêmes arguments fondamentaux : la démocratie israélienne est mise en danger par une minorité de radicaux.

À quand un mouvement similaire du côté des intellectuels du monde arabe ?

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