mercredi 2 juin 2010

Le français, c'est pour les pauvres !

Le gouvernement Charest vient de décider qu'il se conformera à la décision de la Cour Suprême du Canada invalidant la loi 104. Il renonce donc à utiliser la clause dérogatoire qui aurait permis au gouvernement de réaffirmer la supprématie du parlement sur les tribunaux pour une période de 5 ans renouvelable et d'imposer la loi 101 à tous.
Rappel. En 2002, l'Assemblée nationale du Québec adopte à l'unanimité la loi 104 qui cherche à colmater une brèche dans la loi 101. En effet, plusieurs parents inscrivaient leurs enfants à l'école anglaise privée non-subventionnée ($$$) pendant un an et obtenaient ensuite pour ces enfants, leurs frères et soeurs et leur descendence le droit à l'enseignement en anglais au Québec. L'adoption de la loi 104 voulait corriger cet échappatoire.

La loi 101, adoptée en 1977, oblige l'enseignement en français au Québec pour les enfants des francophones et les enfants des immigrants. Les anglophones du Québec et les immigrants issus du Canada qui ont reçu une éducation en anglais sont exemptés de cette obligation.

La Cour Suprême du Canada a jugé que la loi 104, qui cherchait simplement à éviter que certaines familles plus fortunées puissent contourner la loi 101, était trop contraignante. Elle a poussé l'audace de ce jugement en suggérant au gouvernement d'évaluer ce que serait un parcours authentique permettant d'octroyer le droit d'étudier en anglais au Québec...

Je n'entrerai pas ici dans une analyse profonde de ce jugement que je considère plus politique que judiciaire, mais il convient sans doute de rappeler qu'avec ce jugement, les riches ont plus de droits au Québec que les moins riches ! Dorénavant, il y aura les immigrants et les francophones riches, capables de contourner la loi 101 parce qu'ils en ont les moyens et les autres, les loosers, qui devront étudier dans cette langue bâtarde, cette langue de pauvres : le français.  L'égalité juridique n'est-elle pas fondée sur le fait que les lois sont les mêmes pour tous, sans égards à notre condition ?

Le Conseil supérieur de la langue française avait bien saisi l'odieux de cet arrêt judiciaire et essentiellement pour cette raison, il recommandait au gouvernement d'appliquer la loi 101 à toutes les écoles, subventionnées ou non. Le gouvernement Charest n'a pas eu ce courage. Il est sur le point de déposer un projet de loi qui permettra aux familles ayant inscrit leur enfant à l'école anglaise non-subventionnée pendant 3 ans d'obtenir le droit à l'école anglaise... Avec Charest, plus vous êtes riches, plus vous avez la liberté de vous soustraire aux règles collectives.

Cette réponse à un jugement odieux dénote aucune considération pour la justice sociale, ni aucun respect pour la Charte de la langue française ! Mais pouvait-on s'attendre à autre chose ? Charest, l'envoyé d'Ottawa, avait-il les mains liées ?

2 commentaires:

  1. Petit commentaire à propos de la clause dérogatoire :
    La Charte canadienne des droits a reconnu le principe de la souveraineté des parlements au Canada puisqu'il y a dans cette Charte une clause dérogatoire (nonobstant ou en anglais: notwithstanding clause) qui permet justement aux parlements de se soustraire à un jugement des tribuanux à condition que la limite imposée ici aux droits individuels puisse être justifiée dans le cadre d'une société libre et démocratique... (la clause nonobstant suspend les articles 2 et 7 à 15 de la Charte...)

    Or, faire du français la langue publique commune au Québec m'apparait une excellente raison sur le plan démocratique... Comment délibérer ensemble s'il n'y a pas de langue commune ? Le fait français en Amérique est unique : il n'y a pas d'équilibre linguisitique sur notre continent... Pour ceux qui seraient tentés d'imposer un traitement symétrique à tous dans le cadre d'une situation asymétrique...

    Enfin, il semble que la clause dérogatoire ne s'applique pas au jugement invalidant la loi 104... Il faut donc imposer la loi 101 à toutes les écoles primaires et secondaires... Et réaffirmer la suprématie de notre parlement, principal forum de délibération démocratique...

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  2. Blaise Pascal, le frère du fondateur de Pascal Hardware disait :
    le style c'est l'homme.
    Un bel exemple est la lecture de deux éditoriaux de ce matin sur les écoles passerelles:
    Descoteaux dans Le Devoir et Pratte dans La Presse.
    yg

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