lundi 19 avril 2010

Le fossoyeur d'une passion.

J'ai développé une passion pour la politique dans les années 1980-90, à l'époque où plusieurs considéraient que la politique était notre 2e sport national ! Chose certaine, il y avait une passion à propos de la politique à cette époque et si celle-ci s'est étouffée, c'est en partie parce que nos grands débats ont débouché sur un double-échec (on garde le langage du sport...) :
  1. Échec à faire du Québec un pays;
  2. Échec à réformer le fédéralisme canadien dans les intérêts du Québec;
Après le référendum de 1995, on a ressenti cette fatigue politique que plusieurs analystes associent à une sorte de syndrôme post-référendaire. Lucien Bouchard a même évoqué celle-ci comme une des raisons l'ayant poussé à la démission en 2001. Mais cette fatigue s'est mutée en déprime, voir en cynisme et là-dessus, Jean Charest doit porter une lourde part de responsabilité.

Jean Charest a tué le langage politique : aucun politicien moderne n'a autant contribué à vider le sens des mots que Jean Charest. Rappelez-vous en 2003, il affirmait que sa seule élection allait contribuer à régler le problème des urgences au Québec ! Il critiquait le gouvernement Landry pour sa responsabilité dans le «plus grand scandale» de l'histoire en parlant des pertes à la Caisse de dépôt et placement du Québec ! 7 ans plus tard, M. Charest accuse encore le PQ d'être responsable des déboires de notre système de santé et il refuse toute responsabilité dans le scandale (véritable celui-là !) des pertes historiques à la Caisse en 2008.

De 2003 à aujourd'hui, M. Charest a proposé une plateforme qui «réinventerait le Québec»; il a organisé un congrès du PLQ qui l'a qualifié de «Grand bâtisseur»; il a lancé un Plan nord qui n'est qu'une ébauche de slogans...

Bref, Jean Charest est l'homme formé par les conseillers en communication (il est en politique depuis le début de sa vingtaine, il n'a rien fait d'autre !) qui lui disent de marteler son message, peu importe la question : «notre première priorité, c'est la santé»; «tempête économique, deux mains sur le volant»; etc.

Charest aurait donc enlevé toute signification aux mots en politique, mais son travail de sape n'est pas terminé : il s'emploit aujourd'hui à briser tout lien de confiance subsistant entre le citoyen et ses institutions.
  • Les circonscriptions électorales seront tracées par le gouvernement (retour à l'ère duplessiste);
  • Le 1er ministre est rémunéré par de l'argent sale;
  • L'indépendance du système judiciaire est fragilisée par le trafic d'influence, etc, etc.
  • La corruption et le népotisme envahissent la gouverne de l'État et son refus obstiné à faire la lumière de façon claire et indépendante sur ces allégations viennent enfoncer le dernier clou dans le cercueil de cette passion nationale qui était la nôtre.
Denise Bombardier concluait sa chronique dans Le Devoir de samedi ainsi : «La politique a été historiquement une passion pour les Québécois, attirant les meilleurs de ses fils et filles. La politique fut l'instrument des changements sociaux. Hélas, elle semble être devenue l'objet de toutes nos déceptions, donc la mort de nos espoirs».

Que restera-t-il après le passage de l'ouragan Charest ? Déprime, cynisme, impuissance ?

3 commentaires:

  1. Honnêtement, Jean Charest est le seul premier ministre que j'ai véritablement pu étudier grâce à mon âge (je suis né en 1992). J'ai toujours trouvé qu'il était insipide et qu'il n'amenait rien de neuf même s'il comptait tout réformer. Bref, excellent article cher Voisin! Continuez votre très bon travail, j'adore vous lire!
    Philippe

    RépondreSupprimer
  2. Philippe,
    J'ai connu plus de 10 premiers ministres du Québec( je suis né en 1932) et...J'ajoute ton texte qui commence par "J'ai toujours trouvé..."
    Philippe, tu es de la génération des jeunes à qui Gilles Vigneault rendait hommage hier soir à TLMEP.
    Je vous fais confiance.
    pepedamour

    RépondreSupprimer
  3. Merci de votre confiance, pepedamour.
    Depuis la nuit des temps, les jeunes ont toujours dû travailler plus qu'il n'était nécessaire pour obtenir la confiance des générations précédentes. Comme l'a dit M. Jacques Chagnon au tournoi Jeunes Démocrates, les jeunes ne sont pas apolitiques ou irresponsables mais bien intéressés et impliqués!
    Philippe

    RépondreSupprimer