Je suis de retour chez nous, j’ai rechaussé mes pantoufles de femme occidentale. L’urgence m’envahit. Vite-vite il faut se préparer pour le travail, l’école. J’ai des échéanciers à respecter, le cadran se remet à tourner. Je marche d’un pas rapide vers la garderie, je prends finalement ma fille sur mes épaules pour sauver du temps, des minutes, des secondes. Elle ne marche pas assez vite à mon goût! Je me surprends même à courir pour ne pas manquer l’autobus, il ne faudrait surtout pas que je prenne le risque d’attendre le prochain, 5 minutes à faire le piquet c’est trop long. Le métro ouvre ses portes, j’y entre avec les autres et les portes se referment. Ici je n’ai plus de contrôle sur le temps, du moins, jusqu’à la station Berri-UQAM!
photo : J-Félix Chénier
Je repense au Maroc. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu personne courir (à part les joggeurs, donc pour le loisir). La notion du temps au Maroc est complètement différente de la nôtre. Oui le chaos dans la circulation, les voitures qui klaxonnent, qui s’entrecoupent, 3 de larges pour tourner à gauche entre les piétons qui doivent aussi prendre leur place. Mais tout se fait dans un ryhtme constant et régulier, pas trop vite, pas trop lent, de façon continue. Pas de stress. Mais moi, ici, je cours après quoi?
Le temps marocain coule comme une rivière.
Le berger part au p’tit matin et reviens avant le coucher du soleil. Assis sous son arbre il contemple l’horizon, son troupeau, sa vie? Le temps est marqué par le parcours du soleil dans le ciel, le thé qui sera préparé ou apporté par sa femme si le pâturage n’est pas trop loin de la maison et l'appel à la prière qui reviens aux mêmes moments, jour après jour.
La femme berbère partira à la coopérative après que le pain sera cuit. 4 km peut parfois la séparer de son lieu de travail. Elle marchera à son rythme jusqu’au cœur du village. Rejoignant parfois une voisine qui fait le même chemin, saluant le fermier aux champs. Elle cassera machinalement ses noix, puis rentrera avant que le soleil ne soit trop bas. Le seul échéancier est le soap espagnol (doublé en arabe) qu’elle écoutera religieusement les soirs de semaines à 18h30.
Même les enfants prennent le chemin de l’école en marchant, d’une journée à l’autre à des heures différentes.
Le commerçant traîne d’un pas lent sa charrette jusqu’au souk, l’autre ira te chercher le produit que tu cherches, mais qu’il ne vend pas dans sa boutique chez son ami 3 allées plus loin, toujours en marchant. On n'entend pas le tic tac du temps, le temps passe tout simplement.
Une voix mécanique me sort de la torpeur...prochaine station Berri-UQAM. Oh non! le temps me rattrappe, il ne faut pas ratter le prochain train sur la ligne orange, il y a du boulot qui m'attend!
Geneviève Guérin
Geneviève,
RépondreSupprimerEn lisant ton très beau texte, je pensais à mon père- dans les années 40- qui nous racontais- dans un monologue lyrique- ses souvenir d'enfance sur la ferme à Ste-Thérèse près de la Rivière -aux -chiens:
Est-ce possible que le Maroc 2010 ressemble étrangement au Québec 1910...
ps la première fois que j'ai lu un de tes textes, tu m'as rappelé Giono.
pepedamour
mon ego est tellement fort que j'ai écrit : racontait à la première personne: racontais.
RépondreSupprimerpepedamour